lecture

À l’écoute de la Parole

Nous voici parvenus au dernier dimanche de l’année liturgique, qui honore le « Christ, Roi de l’univers », depuis l’institution de cette fête par Pie XI en 1925. Face à la profusion de passages bibliques sur la royauté, comment la liturgie a-t-elle choisi les textes pour cette solennité ?

Considérons ensemble les trois évangiles retenus pour les différentes années liturgiques: le Christ y est présenté comme Roi sous trois perspectives complémentaires. L’année A se termine sur la scène grandiose du Jugement final, une prérogative spécifiquement royale qui sera exercée à la fin des temps : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, alors il prendra place sur son trône de gloire » (Mt 25,31). L’année C nous montre le Christ qui instaure son Règne par la Croix, comme l’exprime l’épître de Barnabé : « la royauté de Jésus repose sur le bois, et ceux qui espèrent en lui vivront éternellement »[1]. D’où le choix de la scène « des deux larrons », avec cette prière si belle : « Jésus, souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton royaume » (Lc 23,42).

Pour l’année B, c’est l’évangile de Jean qui est retenu. La confrontation entre Jésus et Pilate fournit, en effet, une attestation forte de la royauté de Jésus : « C’est toi-même qui dis que je suis roi » (Jn 18,37). Mais cette scène ne nous laisse que des pistes sur la nature de cette royauté : il faut la compléter par la théologie commune de l’Ancien Testament qui présente Dieu comme Roi (Ps 93), la prophétie de Daniel sur le « Fils de l’homme » (Dn 7), et la vision inaugurale de l’Apocalypse qui en fournit une clé théologique plus élaborée (Ap 1).

L’évangile : « Alors, tu es roi ? » (Jn 18)

Tout l’évangile de Jean est structuré par les grandes déclarations de Jésus sur sa propre identité : après l’avoir montré comme le « Verbe qui a fait sa demeure parmi nous » (Jn 1), l’évangéliste nous rapporte plusieurs signes par lesquels le Christ se dévoile : «Je suis le pain de vie » (Jn 6,35) ; «Je suis la lumière du monde » (8,12) ; « Je suis le bon pasteur » (10,11), etc. Arrivé au seuil de sa Passion, il reste encore un titre que Jésus ne s’est pas attribué, le titre messianique par excellence : le Roi, fils de David, attendu par son peuple comme le Messie. Un titre qui comporte de grands risques d’ambiguïtés, car il peut être réduit à sa seule signification politique : c’est l’objet du dialogue avec Pilate que de dissiper toute équivoque. Le pape François nous propose une bonne introduction à ce passage :

« L’Évangile d’aujourd’hui nous fait contempler Jésus tandis qu’il se présente à Pilate en tant que roi d’un royaume qui « n’est pas de ce monde » (Jn 18, 36). Cela ne signifie pas que le Christ soit le roid’un autre monde, mais qu’il est roi d’une autre façon, bien qu’étant roi dans ce monde. Il s’agit d’une opposition entre deux logiques. La logique mondaine repose sur l’ambition, sur la compétition, elle combat avec les armes de la peur, du chantage et de la manipulation des consciences. La logique de l’Évangile, c’est-à-dire la logique de Jésus, s’exprime au contraire dans l’humilité et dans la gratuité, elle s’affirme silencieusement mais concrètement avec la force de la vérité. Les royaumes de ce monde se fondent parfois sur des abus de pouvoir, des rivalités, des oppressions ; le royaume du Christ est un « royaume de justice, d’amour et de paix » (Préface). » [2]

Parcourons donc rapidement le dialogue entre le rabbin Jésus de Nazareth et le procurateur Ponce Pilate pour voir comment ces deux logiques se juxtaposent sans se mêler. La première question est adressée par l’autorité civile à un homme qui lui est dénoncé comme délinquant : la préoccupation principale de Pilate est de déterminer quel est le motif de la comparution de Jésus, quel est le « chef d’accusation », indispensable pour instruire le procès selon le droit romain. Pilate l’a déjà demandé aux autorités juives : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » (18,29), mais il n’a pas obtenu de réponse satisfaisante ; pour aller droit au but, il essaie donc de faire endosser à Jésus une prétention politique subversive en le faisant s’attribuer le titre de « roi des Juifs ». Il y aurait alors « lèse-majesté », rébellion contre l’empereur et le cas serait facile à résoudre.

Mais cette question, Jésus essaie de la transformer en porte ouverte pour attirer l’homme Pilate – et à travers lui le lecteur – vers ce qui est le plus important dans l’évangile : son identité de Fils de Dieu. À la manière juive, il répond donc par une autre question qui vise à sonder le cœur du procurateur et à le faire réfléchir par lui-même : la différence est grande entre un titre royal attribué par des tiers ( d’autres te l’ont dit à mon sujet), et un titre décerné par conviction personnelle (dis-tu cela de toi-même ?). Comme à son habitude, saint Jean s’adresse simultanément au lecteur : s’il a entendu le témoignage de la communauté chrétienne sur la royauté de Jésus, y croit-il sincèrement du fond du cœur ? Tout le passage à la foi à partir du témoignage y est contenu : « Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » (Jn 20,29).

Mais Pilate rejette cette offre. Il est un rouage dans l’immense machine de l’administration impérial où il fait carrière. Il ne pense pas par lui-même mais en fonction des intérêts de Rome et de ses intérêts de carrière ; il ne veut pas être mêlé aux « discussions religieuses » du peuple juif, auxquelles il ne comprend goutte ni s’impliquer personnellement dans une discussion philosophique .Il vient de dire aux autorités religieuses juives : « Prenez-le vous-mêmes et jugez le suivant votre loi » (v.31). Il répète donc sa question dans sa seule dimension procédurière : « qu’as-tu donc fait ? », à la recherche désespérée du « chef d’accusation » qui lui permettrait de liquider cette mauvaise affaire. Il ne sortira pas de cette dimension de tout le procès : « Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation » (v.38),

De nouveau, Jésus essaie de tirer Pilate de son aveuglement spirituel et de l’ouvrir à une autre perspective. Il tente de lui expliquer que son Royaume n’entre pas dans les catégories juridiques du droit romain ( ma royauté n’est pas de ce monde) ni même du monde visible, et lui donne même un signe tangible qu’il peut comprendre : s’il était roi à la manière de la terre, il aurait des gardes qui se battraient pour lui. S’il prétendait au pouvoir politique ses adeptes l’auraient défendu lors de son arrestation. La non-violence du groupe dirigé par le Galiléen, Pilate devrait la connaître par ses rapports de police, et elle devrait être une preuve claire de son innocence.

Jésus ouvre à nouveau la porte à une autre réalité par cette remarque -« ma royauté n’est pas d’ici -, qui devrait susciter immédiatement la question : alors, d’où est-elle ? Mais Pilate n’a pas cette soif spirituelle. Il revient à sa question de départ, celle qui lui permettrait de prouver qu’il y a rébellion contre l’autorité : « tu es vraiment roi ? ».

La dernière réponse du Christ révèle la nature de sa royauté : je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité . Elle laissera Pilate dans la perplexité : qu’est-ce que la vérité ?

Le Royaume de Jésus est celui de la vérité, non pas dans le sens abstrait d’une correspondance intellectuelle avec la réalité, mais dans le sens existentiel d’une libération et d’une entrée dans la communion avec Dieu qui seul est vérité.

Le mot vérité – aletéïa en grec- est récurrent dans l’évangile de Jean. Il faut comprendre qu’il fait écho à un terme hébreu –emeth- qui recouvre plusieurs réalités et que l’on traduit alternativement par vérité, fidélité, ou encore sûreté, stabilité. On le trouve, par exemple, au psaume 30 : tu me rachètes Seigneur, Dieu de vérité ou encore en Exode 34,6 Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité . En d’autres termes, la vérité est l’un des noms de Dieu.

Lorsque Jésus dit qu’il est venu dans ce monde pour rendre témoignage à la vérité, c’est du Père qu’il parle. La vérité est alors non pas une réalité vérifiable ou une conviction personnelle éclairante mais quelqu’un qui réunit en lui-même toutes les qualités de l’être et veut nous illuminer. La royauté de Jésus, sa mission glorieuse, est de révéler la vérité, c’est-à-dire de faire connaître le Père. En vue de cette révélation, tout pouvoir lui a été donné au ciel et sur la terre (Matthieu 28).

Une autre déclaration de Jésus dans le quatrième évangile illumine ce point : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera » (Jn 8,31-32). Toute l’autorité de Jésus, au fondement de son titre de « Roi », consiste donc dans cette dissipation des ténèbres de l’erreur et du péché, pour permettre aux hommes de connaître Dieu, au sens profond et d’entrer en communion avec lui : « Car la Loi fut donnée par Moïse ; la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1,17-18).

Par ailleurs, parce qu’il est dans le sein du Père (Jn 1), le Fils est lui-même vérité et peut dire : je suis le chemin, la vérité et la vie. Il prie le Père d’introduire les hommes dans la vérité: Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité (Jn 17, 17). Il donne sa vie pour que l’homme puisse connaître la vérité : pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité (Jn 17, 19). Enfin, Jésus annonce l’Esprit qui révèle la vérité toute entière : quand il viendra lui, l’esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité toute entière (Jn16).

La recherche de la vérité n’est pas la préoccupation immédiate de Pilate. Sa célèbre réponse – qu’est-ce que la vérité ?- est souvent interprétée comme ironique. Mais elle peut aussi exprimer l’attitude désabusée d’un soldat qui a perdu le sens de l’existence et se contente de gérer les affaires courantes. Pilate vient de l’univers gréco-romain, où l’homme cherche la vérité par la raison, au prix de ses propres efforts. Il n’attend pas, ou n’espère pas, qu’elle lui soit donnée d’en haut. Pilate n’attend donc pas de réponse de Jésus. Sans doute croit-il qu’il n’en existe pas et que Jésus est un doux rêveur. Pourtant Jésus n’invitait pas Pilate à réfléchir abstraitement à la vérité, il lui offrait cette vérité en sa personne…

On connaît la suite : aussitôt après cet échange, Pilate livre sa conclusion aux chefs des prêtres : je ne trouve en lui aucun motif de condamnation, une opinion qu’il répète à plusieurs reprises par la suite (cf 19, 4 et 6). Pilate ne croit pas à la vérité mais il ne veut pas pour autant être manipulé par les chefs des prêtres. Ceux-ci vont alors trouver en lui le point faible, la peur de l’autorité, celle des rois de la terre : « Si tu le relâches, tu n’es pas un ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. Alors Pilate, au mépris du droit romain et de sa propre conscience, livre le seul vrai roi de l’histoire, par peur du roi terrestre…Ici, c’est la conscience morale du lecteur qui est interpellée : comment est-il possible de faire subir la crucifixion à un homme qu’on pense innocent ? Le dialogue avec Pilate est donc un échec, et les puissances du mal vont étendre leur autorité sur le Christ pendant la Passion : « c’est votre heure et le pouvoir des ténèbres » (Lc 22,53) ; cela n’empêchera pas le procurateur d’être véritablement prophète lorsqu’il ordonnera que soit exposé sur la Croix le motif de condamnation : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs » (Jn 19,19). Son intention était de se moquer des Juifs, mais il exprime involontairement le sens caché de ce passage : le Christ est vraiment Roi. Le pape Benoît XVI nous l’explique :

« Mais quelle est la “vérité” que le Christ est venu témoigner dans le monde ? Toute son existence révèle que Dieu est amour : telle est donc la vérité dont Il a rendu pleinement témoignage à travers le sacrifice de sa vie elle-même sur le Calvaire. La Croix est le “trône” d’où il a manifesté la royauté sublime de Dieu Amour: en s’offrant en expiation du péché du monde, Il a vaincu la domination du “prince de ce monde” (Jn 12, 31) et il a instauré définitivement le Royaume de Dieu. Un Royaume qui se manifestera en plénitude à la fin des temps, lorsque tous les ennemis, et en dernier lieu la mort, auront été soumis (Cf. 1 Co 15, 25-26). Alors, le Fils remettra le Royaume au Père et Dieu sera enfin “tout en tous” (1 Co 15, 28). » [3]

La première lecture : le « fils d’homme » qui vient dans les nuées (Dn 7)

Plus que sur les catégories juridiques de Rome, la théologie du Royaume que propose le Christ s’appuie sur l’Ancien Testament : la liturgie nous propose deux textes qui l’illustrent bien, un Psaume et une prophétie apocalyptique.

Le Psaume 93 (92) exprime avec grande simplicité cette vérité qui illumine toute la religion d’Israël : le Seigneur Dieu est le seul vrai Souverain, Celui qui domine tout l’univers. Les attributs royaux que les hommes s’attribuent les uns aux autres, impressionnants de par leurs apparences somptueuses mais dérisoires sur le fond, peuvent donc être mis au service de sa transcendance : « Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence » (v.1). Israël a le privilège d’être l’hôte d’un tel Souverain, grâce au Temple : « la sainteté emplit ta maison » (v.5). C’est bien la vision qu’avait eue le prophète Isaïe dans le Temple de Jérusalem : « je vis le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes… » (Is 6,1-2).

Mais le Seigneur règne aussi et surtout sur la création tout entière, qu’Il a suscité par l’autorité de sa Parole toute-puissante (Gn 1) : « la terre tient bon, inébranlable » (Ps 93,1). Contemplant l’ordre et la stabilité de tout l’univers, le croyant découvre combien le Créateur y a déployé sa puissance, dépassant tout ce que le culte peut exprimer ; Isaïe en avait aussi eu l’intuition : « Le ciel est mon trône, et la terre l’escabeau de mes pieds. Quelle maison pourriez-vous me bâtir, et quel pourrait être le lieu de mon repos, quand tout cela, c’est ma main qui l’a fait, quand tout cela est à moi, oracle du Seigneur ! » (Is 66,1-2).

Le livre de Daniel va plus loin : dans un contexte de persécutions acharnées contre le peuple d’Israël, il affirme que le Seigneur va intervenir pour rendre justice à son Peuple et l’élever à une domination universelle. C’est le sens de la fameuse vision du « fils d’homme » de Daniel 7, qui met en scène les royaumes opposés à Israël comme des « bêtes énormes qui sortent de la mer » (Dn 7,3), exprimant le déchaînement des forces du mal dans l’histoire. Le Vieillard apparaît alors, qui est Dieu exerçant sa fonction de Juge : « Le tribunal était assis, les livres étaient ouverts » (v.10), et le Fils d’homme à qui « fut donné domination, gloire et royauté » est en fait le Peuple saint tout entier : « Ceux qui recevront le royaume sont les saints du Très-Haut, et ils posséderont le royaume pour l’éternité, et d’éternité en éternité » (Dn 7,11). La Souveraineté divine qu’illustrait le Psaume est ainsi transférée à Israël.

Mais la figure individuelle de la prophétie demeurait ouverte à de nouvelles interprétations : « je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un fils d’homme » (v.13) ; ne serait-ce pas le Messie ? L’Israël croyant portait en lui-même cette question au temps du Second Temple, et Jésus lui-même s’attribuera cette prophétie pendant son procès : « De nouveau le Grand Prêtre l’interrogeait, et il lui dit : “Tu es le Christ, le Fils du Béni ?” – “Je le suis, dit Jésus, et vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite de la Puissance et venant avec les nuées du ciel. ” » (Mc 14,61-62). Jésus ne fait pas que tenir son autorité et sa royauté de Dieu ; il participe de la royauté divine elle-même.

Le Sanhédrin ne s’y trompera pas : au-delà de la royauté de Jésus, il s’agit bel et bien d’une affirmation de sa divinité, un blasphème à leurs yeux. La semaine dernière, nous avons déjà entendu Jésus recourir à cette vision dans le « discours apocalyptique » qui termine sa vie publique (cf. Mc 13).

La deuxième lecture : ouverture de l’Apocalypse (Ap 1)

Saint Jean, en ouverture de son chef d’œuvre qu’est l’Apocalypse, se place exactement dans cette double perspective d’un « fils d’homme » élevé au Ciel, à la fois Christ et Peuple saint. Il nous dévoile toute la théologie du Règne du Christ en quelques lignes.

D’une part, il réaffirme la souveraineté de Dieu : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le Souverain de l’univers » (Ap 1,8). Comment cette souveraineté s’étend-elle sur toute la terre, sur toute l’histoire, sur tous les hommes ? À travers l’œuvre du Christ, agneau immolé, et, après lui, par son Église, encore aux prises avec les vicissitudes de l’histoire. Toute l’Apocalypse, conformément à son sens étymologique, se rapporte au dévoilement de cette royauté déjà réelle mais encore en voie d’accomplissement.

D’une part, et conformément à l’interprétation individuelle du fils d’homme, le Christ règne déjà de manière invisible pour le monde mais réelle pour le croyant : Il est « le premier né des morts, le prince des rois de la terre », car il a reçu toute autorité lors de son Ascension, comme l’exprime la finale de Matthieu : « tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » (Mt 28,18). D’autre part, il doit encore venir lors de sa Parousie pour réduire à néant toute opposition et instaurer le Règne définitif qui apparaitra alors aux yeux de tous : « Voici qu’il vient avec les nuées, tout œil le verra » (Ap 1,7), exposant les triomphes de sa Passion, ses plaies saintes : « sur lui se lamenteront toutes les tribus de la terre ».

D’autre part, selon l’interprétation chrétienne de Daniel 7, l’Église est déjà le Royaume du Christ sur cette terre : « Il a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père » (v.6). C’est par sa Passion que le Christ a fondé ce Royaume : « Il nous a délivrés de nos péchés par son sang » (v.5), et ce n’est qu’à la fin des temps que ce royaume arrivera à pleine maturité. Ainsi, Jean se présente ainsi à ses lecteurs dans le verset qui suit immédiatement notre passage : « Moi, Jean, votre frère et votre compagnon dans l’épreuve, la royauté et la constance, en Jésus… » (Ap 1,9). Lors de l’institution de la fête du Christ-Roi, le pape Pie XI a d’ailleurs pris soin d’ôter toute équivoque sur ce Royaume :

« Quand les Juifs, et même les apôtres, s’imaginent à tort que le Messie affranchira son peuple et restaurera le royaume d’Israël, il détruit cette illusion et leur enlève ce vain espoir; lorsque la foule qui l’entoure veut, dans son enthousiasme, le proclamer roi, il se dérobe à ce titre et à ces honneurs par la fuite et en se tenant caché; devant le gouverneur romain, encore, il déclare que son royaume n’est pas de ce monde. Dans ce royaume, tel que nous le dépeignent les Évangiles, les hommes se préparent à entrer en faisant pénitence. Personne ne peut y entrer sans la foi et sans le baptême; mais le baptême, tout en étant un rite extérieur, figure et réalise une régénération intime. Ce royaume s’oppose uniquement au royaume de Satan et à la puissance des ténèbres; à ses adeptes il demande non seulement de détacher leur cœur des richesses et des biens terrestres, de pratiquer la douceur et d’avoir faim et soif de la justice, mais encore de se renoncer eux-mêmes et de porter leur croix. C’est pour l’Église que le Christ, comme Rédempteur, a versé le prix de son sang; c’est pour expier nos péchés que, comme Prêtre, il s’est offert lui-même et s’offre perpétuellement comme victime: qui ne voit que sa charge royale doit revêtir le caractère spirituel et participer à la nature supraterrestre de cette double fonction? » [4]

⇒Lire la méditation


[1] Épître de Barnabé, chap. VIII, dans Les pères apostoliques (Cerf).

[2] Pape François, Angélus du 22 novembre 2015.

[3] Benoît XVI, Angelus du 26 novembre 2006.

[4] Pie XI, encyclique Quas Primas sur l’institution de la fête du Christ-Roi, nº11.


Christ-Roi


.

  • La Pièce aux cent florins (Rembrandt)